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HISTOIRE DE LA PEINTURE

ils seraient allés, si Laurent eût vécu les années de son grand-père, et s’il eût vu son fils Léon X atteindre l’âge ordinaire des papes. La mort prématurée de Raphaël eût peut-être été réparée. Peut-être le Corrège se serait vu surpassé par ses élèves. Il faut des milliers de siècles avant de ramener une telle chance.

VENISE

Tandis que les rives de l’Arno voyaient renaître les trois arts du dessin, la peinture seule renaissait à Venise.

Ces deux événements ne s’entr’aidèrent point ; ils auraient eu lieu l’un sans l’autre.

Venise aussi était riche et puissante ; mais son gouvernement, aristocratie sévère, était bien éloigné de l’orageuse démocratie des Florentins. De temps à autre le peuple voyait avec effroi tomber la tête de quelque noble ; mais jamais il ne s’avisa de conspirer pour la liberté. Ce gouvernement, chef-d’œuvre de politique et de balance des pouvoirs, si l’on ne voit que les nobles par qui et pour qui il avait été fait, ne fut envers le reste du peuple qu’une tyrannie soupçonneuse et jalouse, qui, tremblant toujours devant ses sujets, encourageait parmi eux le commerce,