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comme on le dit de vous, que vous êtes de tous les hommes ceux qui avez le cœur le plus tendre, en amour ? — Oui, par Dieu, cela est vrai, répondit Arouâ, et j’ai connu dans ma tribu trente jeunes gens que la mort a enlevés, et qui n’avaient d’autre maladie que l’amour.

Un Arabe des Benou-Fazârat dit un jour à un autre Arabe des Benou-Azra : Vous autres, Benou-Azra, vous pensez que mourir d’amour est une douce et noble mort ; mais c’est là une faiblesse manifeste et une stupidité ; et ceux que vous prenez pour des hommes de grand cœur ne sont que des insensés et de molles créatures. — Tu ne parlerais pas ainsi, lui répondit l’Arabe de la tribu de Azra, si tu avais vu les grands yeux noirs de nos femmes voilés par-dessus de leurs longs sourcils, et décochant des flèches par-dessous ; si tu les avais vues sourire, et leurs dents briller entre leurs lèvres brunes.

Abou-el-Hassan, Ali, fils d’Abdalla, Elzagouni, raconte ce qui suit : Un musulman aimait une fille chrétienne jusqu’au point d’en perdre la raison. Il fut obligé de faire un voyage dans un pays étranger avec un ami qui était dans la confidence de son amour. Ses affaires s’étant prolongées dans ce pays, il y fut attaqué d’une maladie mortelle, et dit alors à son ami : Voilà que