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tu la célèbres dans tes vers. — Me voici, répondit Djamil, au premier des jours de l’autre monde et au dernier des jours de ce monde ; et je veux que la clémence de notre maître Mohammed ne s’étende pas sur moi au jour du jugement, si j’ai jamais porté la main sur Bothaina pour quelque chose de répréhensible.

Ce Djamil et Bothaina, sa maîtresse, appartenaient tous les deux aux Benou-Azra, qui sont une tribu célèbre en amour parmi toutes les tribus des Arabes. — Aussi, leur manière d’aimer a-t-elle passé en proverbe ; et Dieu n’a point fait de créatures aussi tendres qu’eux en amour.

Sahid, fils d’Agba, demanda un jour à un Arabe : De quel peuple es-tu ? Je suis du peuple chez lequel on meurt quand on aime, répondit l’Arabe. — Tu es donc de la tribu de Azra, ajouta Sahid ? — Oui, par le maître de la Caaba, répliqua l’Arabe. — D’où vient donc que vous aimez de la sorte ? demanda ensuite Sahid. — Nos femmes sont belles et nos jeunes gens sont chastes, répondit l’Arabe.

Quelqu’un demanda un jour à Arouâ-Ben-Hezam[1] : Est-il donc bien vrai,

  1. Cet Arouâ-Ben-Hezam était de la tribu de Azra dont il vient d’être fait mention. Il est célèbre comme poète, et plus célèbre encore comme un des nombreux martyrs de l’amour que les Arabes comptent parmi eux.