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sies sacrées, le tour de la Caaba ; c’est une promenade de trois quarts d’heure : ces tours se répétaient plusieurs fois dans la même journée ; c’était là le rite sacré pour lequel hommes et femmes accouraient de toutes les parties du désert. C’est sous le portique de la Caaba que se sont polies les mœurs arabes. Il s’établit bientôt une lutte entre les pères et les amants ; bientôt ce fut par des odes d’amour que l’Arabe dévoila sa passion à la jeune fille sévèrement surveillée par ses frères ou son père, à côté de laquelle il faisait la promenade sacrée. Les habitudes généreuses et sentimentales de ce peuple, existaient déjà dans le camp, mais il me semble que la galanterie arabe est née autour de la Caaba : c’est aussi la patrie de leur littérature. D’abord elle exprima la passion avec simplicité et véhémence, telle que la sentait le poète, plus tard le poète, au lieu de songer à toucher son amie, pensa à écrire de belles choses ; alors naquit l’affectation que les Maures portèrent en Espagne et qui gâte encore aujourd’hui les livres de ce peuple[1].

Je vois une preuve touchante du respect

  1. Il y a un fort grand nombre de manuscrits arabes à Paris. Ceux des temps postérieurs ont de l’affectation, mais jamais aucune imitation des Grecs ou des Romains ; c’est ce qui les fait mépriser des savants.