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historiques, nous voyons les Arabes divisés de toute antiquité en un grand nombre de tribus indépendantes, errant dans le désert. Suivant que ces tribus pouvaient, avec plus ou moins de facilité, pourvoir aux premiers besoins de l’homme, elles avaient des mœurs plus ou moins élégantes. La générosité était la même partout, mais suivant le degré d’opulence de la tribu, elle se montrait par le don du quartier de chevreau nécessaire à la vie physique, ou par celui de cent chameaux, don provoqué par quelque relation de famille ou d’hospitalité.

Le siècle héroïque des Arabes, celui où ces âmes généreuses brillèrent pures de toute affectation de bel esprit ou de sentiment raffiné, fut celui qui précéda Mohammed et qui correspond au ve siècle de notre ère, à la fondation de Venise et au règne de Clovis. Je supplie notre orgueil de comparer les chants d’amour qui nous restent des Arabes, et les mœurs nobles retracées dans les Mille et une Nuits aux horreurs dégoûtantes qui ensanglantent chaque page de Grégoire de Tours, l’historien de Clovis, ou d’Eginard, l’historien de Charlemagne.

Mohammed fut un puritain, il voulut proscrire les plaisirs qui ne font de mal à personne ; il a tué l’amour dans les pays