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amener son cheval, et prend tout seul son chemin vers cet endroit où Guillaume était allé : tant il chevaucha qu’il le trouva. Quand Guillaume le vit venir, il s’en étonna beaucoup, et sur-le-champ il lui vint de sinistres pensées, et il s’avança à sa rencontre et lui dit : « Seigneur, soyez le bien arrivé. Comment êtes-vous ainsi seul ? » Monseigneur Raymond répondit : « Guillaume, c’est que je vais vous cherchant pour me divertir avec vous. N’avez-vous rien pris ? — Je n’ai guère pris, seigneur, car je n’ai guère trouvé et qui peu trouve ne peut guère prendre, comme dit le proverbe. — Laissons là désormais cette conversation, dit monseigneur Raymond, et, par la foi que vous me devez, dites-moi vérité sur tous les sujets que je vous voudrai demander. — Par Dieu ! seigneur, dit Guillaume, si cela est chose à dire, bien vous la dirai-je. — Je ne veux ici aucune subtilité, ainsi dit monseigneur Raymond, mais vous me direz tout entièrement sur tout ce que je vous demanderai. — Seigneur, autant qu’il vous plaira me demander, dit Guillaume, autant vous dirai-je la vérité. » Et monseigneur Raymond demande : « Guillaume, si Dieu et la sainte foi vous vaut, avez-vous une maîtresse pour qui vous chantiez ou pour laquelle Amour vous étreigne ? » Guillaume répond :