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» Il commença à être pensif, et Amour aussitôt lui chercha guerre ; et les pensers qu’Amour envoie aux siens lui entrèrent dans tout le profond du cœur, et de là en avant il fut des servants d’amour et commença à trouver[1] de petits couplets avenants et gais, et des chansons à danser et des chansons de chant[2] plaisant, par quoi il était fort agréé, et plus de celle pour laquelle il chantait. Or, Amour qui accorde à ses servants leur récompense quand il lui plaît, voulut à Guillaume donner le prix du sien ; et le voilà qui commence à prendre la dame si fort de pensers et de réflexions d’amour que ni jour ni nuit elle ne pouvait reposer, songeant à la valeur et à la prouesse qui en Guillaume s’était si copieusement logée et mise.

» Un jour il arriva que la dame prit Guillaume et lui dit : « Guillaume, or ça, dis-moi, t’es-tu à cette heure aperçu de mes semblants, s’ils sont véritables ou mensongers ? » Guillaume répond : « Madona, ainsi Dieu me soit en aide, du moment en ça que j’ai été votre servant, il ne m’a pu entrer au cœur nulle pensée que vous ne fussiez la meilleure qui onc naquit et la plus véritable et en paroles

  1. Faire.
  2. Il inventait les airs et les paroles.