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l’effet de la conquête de Toulouse par l’armée des croisés. Au lieu d’amour, de grâces et de gaieté, on eut les Barbares du Nord et saint Dominique. Je ne noircirai point ces pages du récit à faire dresser les cheveux des horreurs de l’inquisition dans toute la ferveur de la jeunesse. Quant aux barbares, c’étaient nos pères ; ils tuaient et saccageaient tout ; ils détruisaient pour le plaisir de détruire ce qu’ils ne pouvaient emporter ; une rage sauvage les animait contre tout ce qui portait quelque trace de civilisation, surtout ils n’entendaient pas un mot de cette belle langue du Midi, et leur fureur en était redoublée. Forts superstitieux, et guidés par l’affreux saint Dominique, ils croyaient gagner le ciel en tuant des Provençaux. Tout fut fini pour ceux-ci, plus d’amour, plus de gaieté, plus de poésie ; moins de vingt ans après la conquête (1335), ils étaient presque aussi barbares et aussi grossiers que les Français[1], que nos pères.

D’où était tombée dans ce coin du monde cette charmante forme de civilisation qui pendant deux siècles fit le bonheur des hautes classes de la société ? des Maures d’Espagne apparemment.

  1. Voir l’État de la puissance militaire de la Russie, véridique ouvrage du général sir Robert Wilson.