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d’Italie dont l’histoire nous est parvenue d’une manière plus distincte et qui d’ailleurs ont été assez heureuses pour nous laisser le Dante, Pétrarque et la peinture.

Les Provençaux ne nous ont pas légué un grand poème, comme la Divine Comédie, dans lequel viennent se réfléchir toutes les particularités des mœurs de l’époque. Ils avaient, ce me semble, moins de passion et beaucoup plus de gaieté que les Italiens. Ils tenaient de leurs voisins les Maures d’Espagne, cette agréable manière de prendre la vie. L’amour régnait avec l’allégresse, les fêtes et les plaisirs dans les châteaux de l’heureuse Provence.

Avez-vous vu à l’Opéra la finale d’un bel opéra-comique de Rossini, tout est gaieté, beauté, magnificence idéale sur la scène. Nous sommes à mille lieues des vilains côtés de la nature humaine. L’opéra finit, la toile tombe, les spectateurs s’en vont, le lustre s’élève, on éteint les quinquets. L’odeur de lampe mal éteinte remplit la salle, le rideau se relève à moitié, l’on aperçoit des polissons sales et mal vêtus se démener sur la scène, ils s’y agitent d’une manière hideuse, ils y tiennent la place des jeunes femmes qui la remplissaient de leurs grâces il n’y a qu’un instant.

Tel fut pour le royaume de Provence