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si remplie de délicatesse et si tourmentée par la rime[1], ne fût pas probablement celle du peuple, les mœurs de la haute classe avaient passé aux classes inférieures très peu grossières alors en Provence, parce qu’elles avaient beaucoup d’aisance. Elles étaient dans les premières joies d’un commerce fort prospère et fort riche. Les habitants des rives de la Méditerranée venaient de s’apercevoir (au ixe siècle) que faire le commerce en hasardant quelques barques sur cette mer était moins pénible et presque aussi amusant que de détrousser les passants sur le grand chemin voisin, à la suite de quelque petit seigneur féodal. Peu après, les Provençaux du xe siècle virent chez les Arabes qu’il y avait des plaisirs plus doux que piller, violer et se battre.

Il faut considérer la Méditerranée comme le foyer de la civilisation européenne. Les bords heureux de cette belle mer si favorisée par le climat l’étaient encore par l’état prospère des habitants et par l’absence de toute religion ou législation triste. Le génie éminemment gai des Provençaux d’alors avait traversé la religion chrétienne sans en être altéré.

Nous voyons une vive image d’un effet semblable de la même cause dans les villes

  1. Née à Narbonne ; mélange de latin et d’arabe.