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dans la difficulté et l’entrelacement de leurs rimes, dans leurs mots masculins et féminins pour exprimer le même objet ; enfin dans le nombre infini de leurs poètes. Tout ce qui est forme dans la société, et qui aujourd’hui est si insipide, avait alors toute la fraîcheur et la saveur de la nouveauté.

Après avoir baisé la main d’une femme, on s’avançait de grade en grade à force de mérite et sans passe-droits. Il faut bien remarquer que si les maris étaient toujours hors de la question, d’un autre côté l’avancement officiel des amants s’arrêtait à ce que nous appellerions les douceurs de l’amitié la plus tendre entre personnes de sexes différents[1]. Mais après plusieurs mois ou plusieurs années d’épreuve, une femme étant parfaitement sûre du caractère et de la discrétion d’un homme, cet homme ayant avec elle toutes les apparences et toutes les facilités que donne l’amitié la plus tendre, cette amitié devait donner à la vertu de bien fortes alarmes.

J’ai parlé de passe-droits, c’est qu’une femme pouvait avoir plusieurs amants, mais un seul dans les grades supérieurs. Il semble que les autres ne pouvaient pas être avancés beaucoup au delà du degré d’amitié qui consistait à lui baiser la main et à la

  1. Mémoires de la vie de Chabanon, écrits par lui-même. Les coups de canne au plafond.