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de siècles par le malheureux état de l’Europe de toute véritable expérience, nous voyons que lorsque le malheur venant des gouvernements manque aux Américains, ils semblent se manquer à eux-mêmes. On dirait que la source de la sensibilité se tarit chez ces gens-là. Ils sont justes, ils sont raisonnables, et ils ne sont point heureux.

L. B…[1], c’est-à —dire les ridicules conséquences et règles de conduite que des esprits bizarres déduisent de ce recueil de poèmes et de chansons, suffit-elle pour causer tout ce malheur ? L’effet me semble bien considérable pour la cause.

M. de Volney racontait que se trouvant à table à la campagne, chez un brave Américain, homme à son aise et environné d’enfants déjà grands, il entre un jeune homme dans la salle : « Bonjour, William, dit le père de famille, asseyez-vous. Vous vous portez bien à ce que je vois. » Le voyageur demanda qui était ce jeune homme : « C’est le second de mes fils. — Et d’où vient-il ? — De Canton. »

L’arrivée d’un fils des bouts de l’univers ne faisait pas plus de sensation.

Toute l’attention semble employée aux arrangements raisonnables de la vie, et à prévenir tous les inconvénients : arrivés

  1. La Bible. — N.D.L.E.