Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE L

L’amour aux États-Unis.


Un gouvernement libre est un gouvernement qui ne fait point de mal aux citoyens, mais qui au contraire leur donne la sûreté et la tranquillité. Mais il y a encore loin de là au bonheur, il faut que l’homme le fasse lui-même, car ce serait une âme bien grossière que celle qui se tiendrait parfaitement heureuse parce qu’elle jouirait de la sûreté et de la tranquillité. Nous confondons ces choses en Europe ; accoutumés que nous sommes à des gouvernements qui nous font du mal, il nous semble qu’en être délivré serait le suprême bonheur ; semblables en cela à des malades travaillés par des maux douloureux. L’exemple de l’Amérique montre bien le contraire. Là, le gouvernement s’acquitte fort bien de son office, et ne fait de mal à personne. Mais comme si le destin voulait déconcerter et démentir toute notre philosophie, ou plutôt l’accuser de ne pas connaître tous les éléments de l’homme, éloignés comme nous le sommes depuis tant