Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En Italie la crainte du pacha et de ses espions fait estimer l’utile ; il n’y a pas du tout d’honneur bête[1]. Il est remplacé par une sorte de petite haine de société, appelée pettegolismo.

Enfin donner un ridicule c’est se faire un ennemi mortel, chose fort dangereuse dans un pays où la force et l’office des gouvernements se bornent à arracher l’impôt et à punir tout ce qui se distingue.

6o Le patriotisme d’antichambre.

Cet orgueil qui nous porte à chercher l’estime de nos concitoyens, et à faire corps avec eux, expulsé de toute noble entreprise, vers l’an 1550, par le despotisme jaloux des petits princes d’Italie, a donné naissance à un produit barbare, à une espèce de Caliban, à un monstre plein de fureur et de sottise : le patriotisme d’antichambre, comme disait M. Turgot, à propos du siège de Calais (le Soldat laboureur de ce temps-là). J’ai vu ce monstre hébéter les gens les plus spirituels. Par exemple un étranger se fera mal vouloir même des jolies femmes s’il s’avise de trouver des défauts dans le peintre ou dans le poète de ville, on lui dit fort bien et d’un grand sérieux, qu’il ne faut pas venir chez les

  1. Toutes les infractions à cet honneur sont ridicules dans les sociétés bourgeoises en France. (Voir la Petite ville, de M. Picard).