Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la porte le pauvre Gherardesca se promenant tristement et comptant de loin les regards que son infidèle lance à son successeur. Il est très changé, et dans le dernier désespoir ; c’est en vain que ses amis veulent l’envoyer à Paris et à Londres. Il se sent mourir, dit-il, seulement à l’idée de quitter Florence. »

Chaque année, il y a vingt désespoirs pareils dans la haute société ; j’en ai vu durer trois ou quatre ans. Ces pauvres diables sont sans nulle vergogne, et prennent pour confidents toute la terre. Au reste il y a peu de société ici, et encore, quand on aime, on n’y va presque plus. Il ne faut pas croire que les grandes passions et les belles âmes soient communes nulle part, même en Italie ; seulement des cœurs plus enflammés et moins étiolés par les mille petits soins de la vanité y trouvent des plaisirs délicieux, même dans les espèces subalternes d’amour. J’y ai vu l’amour-caprice, par exemple, causer des transports et des moments d’ivresse, que la passion la plus éperdue n’a jamais amenés sous le méridien de Paris[1].

Je remarquais ce soir, qu’il y a des noms propres en italien, pour mille circonstances

  1. De ce Paris qui a donné au monde Voltaire, Molière et tant d’hommes distingués par l’esprit ; mais l’on ne peut pas tout avoir, et il y aurait peu d’esprit à en prendre de l’humeur.