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qui nous semblerait de l’héroïsme en pays de vanité. Non seulement son ami lui fut infidèle, mais il se trouva dans le cas de lui faire les aveux les plus scabreux. Elle le soigna avec un dévouement parfait, et, s’attachant par la gravité de la maladie de son amant, qui bientôt fut en péril, elle ne l’en chérit peut-être que davantage.

« On sent qu’étranger et vainqueur, et toute la haute société de Vienne s’étant retirée à notre approche dans ses terres de Hongrie, je n’ai pu observer l’amour dans les hautes classes ; mais j’en ai vu assez pour me convaincre que ce n’est pas de l’amour comme à Paris.

« Ce sentiment est regardé par les Allemands comme une vertu, comme une émanation de la divinité, comme quelque chose de mystique. Il n’est pas vif, impétueux, jaloux, tyrannique comme dans le cœur d’une Italienne. Il est profond et ressemble à l’illuminisme ; il y a mille lieues de là à l’Angleterre.

« Il y a quelques années, un tailleur de Leipzig, dans un accès de jalousie, attendit son rival dans le jardin public et le poignarda. On le condamna à perdre la tête. Les moralistes de la ville fidèles à la bonté et à la facilité d’émotion des Allemands, (faisant faiblesse de caractère), discutèrent le jugement, le trouvèrent sévère, et, établis-