Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jeunes gens attachés à l’empereur ne recevaient jamais personne dans leur logement à Vienne. Nous les plaisantions beaucoup sur cette discrétion, l’un d’eux me dit un jour : « Je n’aurai pas de secret pour vous, une jeune femme de la ville s’est donnée à moi, sous la condition qu’elle ne quitterait jamais mon appartement, et que je ne recevrais qui que ce soit sans sa permission. » Je fus curieux, dit le voyageur, de connaître cette recluse volontaire, et ma qualité de médecin me donnant comme dans l’Orient un prétexte honnête, j’acceptai un déjeuner que mon ami m’offrit. Je trouvai une femme très éprise, ayant le plus grand soin du ménage, ne désirant nullement sortir quoique la saison invitât à la promenade, et d’ailleurs convaincue que son amant la ramènerait en France.

« L’autre jeune homme, qu’on ne trouvait non plus jamais à son logement en ville, me fit bientôt après une confidence pareille. Je vis aussi sa belle ; comme la première, elle était blonde, fort jolie, très bien faite.

« L’une âgée de dix-huit ans était la fille d’un tapissier fort à son aise ; l’autre, qui avait environ vingt-quatre ans, était la femme d’un officier autrichien qui faisait la campagne à l’armée de l’archiduc Jean. Cette dernière poussa l’amour jusqu’à ce