Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

durant des semaines entières le thermomètre de Réaumur ne descend jamais et se soutient à trente degrés, il règne sous les portiques une obscurité délicieuse. Au milieu du petit jardin il y a toujours un jet d’eau dont le bruit uniforme et voluptueux est le seul qui trouble cette retraite charmante. Le bassin de marbre est environné d’une douzaine d’orangers et de lauriers-roses. Une toile épaisse en forme de tente recouvre tout le petit jardin, et le protégeant contre les rayons du soleil et de la lumière, ne laisse pénétrer que les petites brises qui sur le midi viennent des montagnes.

Là vivent et reçoivent les charmantes Andalouses à la démarche si vive et si légère ; une simple robe de soie noire garnie de franges de la même couleur, et laissant apercevoir un cou-de-pied charmant, un teint pâle, des yeux où se peignent toutes les nuances les plus fugitives des passions les plus tendres et les plus ardentes ; tels sont les êtres célestes qu’il m’est défendu de faire entrer en scène.

Je regarde le peuple espagnol comme le représentant vivant du moyen âge.

Il ignore une foule de petites vérités (vanité puérile de ses voisins) ; mais il sait profondément les grandes et a assez de caractère et d’esprit pour suivre leurs con-