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En Irlande on ne voit guère que des paysans plus malheureux que des sauvages. Seulement au lieu d’être cent mille comme ils seraient dans l’état de nature, ils sont huit millions[1], et font vivre richement cinq cents absentees à Londres et à Paris.

La société est infiniment plus avancée en Écosse[2] où sous plusieurs rapports le gouvernement est bon (la rareté des crimes, la lecture, pas d’évêques, etc.). Les passions tendres y ont donc beaucoup plus de développement, et nous pouvons quitter les idées noires et arriver aux ridicules.

Il est impossible de ne pas apercevoir un fond de mélancolie chez les femmes écossaises. Cette mélancolie est surtout séduisante au bal où elle donne un singulier piquant à l’ardeur et à l’extrême empressement avec lesquels elles sautent leurs danses nationales. Édimbourg a un autre avantage, c’est de s’être soustraite à la vile omnipotence de l’or. Cette ville forme en cela, aussi bien que pour la singulière et sauvage beauté du site, un contraste complet avec Londres. Comme Rome, la belle Édimbourg semble plutôt le séjour de la vie contemplative. Le tourbillon sans

  1. Plunkett, Craig, Vie de Curran.
  2. Degré de civilisation du paysan Robert Burns et de sa famille ; club de paysans où l’on payait deux sous par séance ; questions qu’on y discutait. (Voir les lettres de Burns).