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que nous déjeunions tous trois ensemble chez elle, elle imagina de faire preuve d’amour à Gustave devant moi, et elle affecta avec lui les privautés de gens qui vivent dans la plus parfaite intimité. L’autre, d’abord, ne comprit pas ; enfin elle mit tellement les points sur les i, qu’il fallut bien comprendre ; il me regarda, rit, et sans bouger avala son morceau. On lui proposait de faire quelque rajustement à la toilette de Félicie. Il lui dit brutalement : « Pardieu, vous avez une femme de chambre pour vous habiller ! » Et elle me dit tout bas à l’oreille : « Voyez-vous comme il est délicat ; j’étais sûre que, devant vous, il ne voudrait pas remettre une épingle à mon fichu. »

Cependant, elle n’était pas si contente qu’elle me le disait de la délicatesse et de la retenue de son prétendu amant. C’était, je me le rappelle, un dimanche de Pâques. Quand nous eûmes fini le déjeuner et que nous ne prenions plus que du thé, elle dit. à son domestique : « Paul, dites à ma femme de chambre que je n’ai pas besoin d’elle et qu’elle profite de ce moment pour aller à la messe. »

Nous restâmes à prendre le thé. Le domestique n’entrant plus, elle s’approcha très près du feu. « J’ai bien froid, » dit-elle ; et tendant la main à Weilberg : « Est-ce