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DE L’AMOUR

jours, rendit trois à quatre livres de chocolat ; sa maladie, son empoisonnement, n’étaient qu’une épouvantable indigestion. Je l’avais prédit.

Ne sachant qu’inventer pour émouvoir sa mère et pour la pousser à de nouvelles démarches qui pussent ramener Weilberg dans sa maison, elle la menaça de tout avouer à Charles. Le mari, qui eût cru sa femme sur parole, l’aurait plantée là indubitablement. Cet esclandre étant donc possible, la mère retourna à la charge auprès du bon Gustave, qui consentit encore à revenir. Lui et moi, nous nous voyions beaucoup alors ; nous faisions un travail en commun ; il s’était pris de goût pour moi, et j’étais à peu près le Français qu’il aimait le mieux à voir. Nous passions ensemble une partie des journées ; il m’apprenait le suédois. Je lui montrais la géométrie descriptive et le calcul différentiel ; car il s’était pris de passion pour les mathématiques, et souvent il m’obligeait à rajeunir dans nos livres mes souvenirs déjà anciens de l’école polytechnique. Je prenais ensuite mon violon, et, beaucoup plus tolérant que vous, il restait volontiers des heures à m’entendre.

Félicie me fit la cour pour que je fusse sans cesse chez elle ; elle savait que c’était un moyen d’attirer Weilberg. Un matin