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DE L’AMOUR

avec le poignard qu’elle avait fait faire exprès.

La mère, qui savait à quoi s’en tenir sur l’amour de Weilberg, et qui craignait l’esclandre, alla chez celui-ci. Elle lui conta que sa fille était folle ; qu’elle faisait semblant d’être très amoureuse de lui, qu’elle le disait amoureux d’elle, et qu’elle prétendait se tuer, s’il ne revenait pas. Elle lui dit : « Revenez chez elle, humiliez-la bien ; elle vous prendra en horreur, et alors vous ne reviendrez plus. »

Weilberg était un brave homme ; il eut pitié de la vieille mère qui venait le prier ainsi, et il consentit à se prêter à cette ennuyeuse comédie, pour éviter l’esclandre que la mère craignait.

Il revint donc. La jeune femme ne lui parla de rien ; elle lui fit seulement quelques reproches aimables sur son absence pendant cinq jours. Quand ils étaient seuls ensemble, elle ne se serait pas avisée de lui parler d’amour, depuis qu’il avait pris son chapeau, un jour, en voyage, et qu’il était parti quand elle allait commencer une déclaration. Weilberg aime la musique ; elle passait le temps à jouer du piano, et comme elle en joue admirablement, Weilberg restait assez volontiers à l’entendre. En public, c’était bien différent ; elle ne lui parlait que d’amour ; mais