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qui me conta alors comment le voyage s’était passé.

Félicie, privée quelques jours de Weilberg, qui dînait sans cesse chez elle auparavant, joua le désespoir. Elle dit que c’était une indignité de son mari, qui avait chassé cet homme vertueux. (Elle avait dit à moi et à deux autres que cet homme vertueux l’avait violée sur la mousse, au pied d’un sapin dans le Schwartzwald, comme il convient que cette chose se fasse.) Elle dit aussi, en termes polis, que sa mère, après lui avoir servi de complaisante, lui avait soufflé son vertueux amant. (Notez que la mère est une pauvre vieille femme de soixante ans, qui ne pense plus à rien depuis vingt ans.) Elle commanda chez un très habile coutelier un poignard à lame de damas, qu’elle fit apporter un jour au milieu du dîner, et que je lui ai vu payer quarante francs et serrer très proprement devant nous tous dans son secrétaire, à côté de sa cire d’Espagne. Une douzaine de garçons apothicaires apportèrent chacun aussi une petite bouteille de sirop d’opium, et toutes ces bouteilles réunies en faisaient une quantité considérable. Elle les serra dans sa toilette.

Le lendemain, elle signifia à sa mère que, si elle ne faisait pas revenir Gustave, elle s’empoisonnerait avec l’opium, et se tuerait