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beaucoup de métier dans l’esprit ; elle répète parfaitement les phrases des autres, et avec un air de propriété étonnant. En les répétant, elle joue même le petit étonnement qui accompagne l’invention. Elle passe ainsi, auprès des gens qui l’ont vue rarement, ou des gens bornés qui la voient souvent, pour une personne charmante et très spirituelle.

Elle a en musique précisément le même genre de talent que dans la conversation. À dix-sept ans, elle jouait parfaitement du piano ; assez pour donner des leçons à huit francs (non pas qu’elle en donne, sa position de fortune est très belle). Quand elle a vu un opéra nouveau de Rossini, le lendemain, à son piano, elle s’en rappelle au moins la moitié. Très musicienne d’instinct, elle joue avec infiniment d’expression, et à la première vue, les partitions les plus difficiles. Avec cette espèce de facilité, elle ne comprend pas les choses difficiles, et cela dans ses lectures comme dans sa musique. Madame Gherardi, en deux mois, eût compris, j’en suis sûr, la théorie des proportions chimiques de Berzelius. Madame Féline est, au contraire, incapable de comprendre un des premiers chapitres de Say ou la théorie des fractions continues.

Elle a pris un maître d’harmonie fort