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DE L’AMOUR

sieurs fois sur ses pas, et fut reçu de manière à lui faire penser que, par ses entreprises, il avait irrité l’orgueil de sa jeune maîtresse. Deux fois il partit pour Paris, deux fois, après avoir fait une vingtaine de lieues, il revint à sa cabane, dans les rochers de Crossey. Après s’être flatté d’espérances que maintenant il trouvait conçues à la légère, il cherchait à renoncer à l’amour, et trouvait tous les autres plaisirs de la vie anéantis pour lui.

Ernestine, plus heureuse, était aimée, elle aimait. L’amour régnait dans cette âme que nous avons vue passer successivement par les sept périodes diverses qui séparent l’indifférence de la passion, et au lieu desquelles le vulgaire n’aperçoit qu’un seul changement, duquel encore il ne peut expliquer la nature.

Quant à Philippe Astézan, pour le punir d’avoir abandonné une ancienne amie aux approches de ce qu’on peut appeler l’époque de la vieillesse pour les femmes, nous le laissons en proie à l’un des états les plus cruels dans lesquels puisse tomber l’âme humaine. Il fut aimé d’Ernestine, mais ne put obtenir sa main. On la maria l’année suivante à un vieux lieutenant général fort riche et chevalier de plusieurs ordres.