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bonheur. Le jour suivant, elle revint au pied du grand chêne, mais bien escortée par la gouvernante et le vieux botaniste. Elle ne manqua pas d’y trouver un bouquet, et surtout un billet. Au bout de huit jours, Astézan l’avait presque décidée à répondre à ses lettres lorsque, une semaine après, elle apprit que madame Dayssin était revenue de Paris en Dauphiné. Une vive inquiétude remplaça tous les sentiments dans le cœur d’Ernestine. Les commères du village voisin, qui, dans cette conjoncture, sans le savoir, décidaient du sort de sa vie, et qu’elle ne perdait pas une occasion de faire jaser, lui dirent enfin que madame Dayssin, remplie de colère et de jalousie, était venue chercher son amant, Philippe Astézan, qui, disait-on, était resté dans le pays avec l’intention de se faire chartreux. Pour s’accoutumer aux austérités de l’ordre, il s’était retiré dans les solitudes de Crossey. On ajoutait que madame Dayssin était au désespoir.

Ernestine sut quelques jours après que jamais madame Dayssin n’avait pu parvenir à voir Philippe, et qu’elle était repartie furieuse pour Paris. Tandis qu’Ernestine cherchait à se faire confirmer cette douce certitude, Philippe était au désespoir ; il l’aimait passionnément et croyait n’en être point aimé. Il se présenta plu-