Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dre sa madame Dayssin ; je ne le verrai plus. » Cette idée cruelle lui donna le courage de se lever et de monter chez elle. Elle y était depuis deux minutes quand elle entendit ouvrir la porte de l’antichambre de son appartement. Elle pensa que c’était sa gouvernante, et se leva, cherchant un prétexte pour la renvoyer. Comme elle s’avançait vers la porte de sa chambre, cette porte s’ouvre : Philippe est à ses pieds.

« Au nom de Dieu, pardonnez-moi ma démarche, lui dit-il ; je suis au désespoir depuis deux mois ; voulez-vous de moi pour époux ? »

Ce moment fut délicieux pour Ernestine. « Il me demande en mariage, se dit-elle ; je ne dois plus craindre madame Dayssin. » Elle cherchait une réponse sévère, et, malgré des efforts incroyables, peut-être elle n’eût rien trouvé. Deux mois de désespoir étaient oubliés ; elle se trouvait au comble du bonheur. Heureusement, à ce moment, on entendit ouvrir la porte de l’antichambre. Ernestine lui dit : « Vous me déshonorez. — N’avouez rien ! » s’écria Philippe d’une voix contenue, et, avec beaucoup d’adresse, il se glissa entre la muraille et le joli lit d’Ernestine, blanc et rose. C’était la gouvernante, fort inquiète de la santé de sa pupille, et l’état dans