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DE L’AMOUR

tristesse en ne trouvant pas de bouquet dans l’arbre ? Cette tristesse ne vient-elle pas tout simplement de la vanité déçue ? » Cette supposition plus probable finit par s’emparer tout à fait de son esprit et lui rendit toutes les idées raisonnables d’un homme de trente-cinq ans. Il était fort sérieux. Il trouva beaucoup de monde chez madame Dayssin dans le courant de la soirée, elle le plaisanta sur sa gravité et sur sa fatuité. Il ne pouvait plus, disait-elle, passer devant une glace sans s’y regarder. « J’ai en horreur, disait madame Dayssin, cette habitude des jeunes gens à la mode. C’est une grâce que vous n’aviez point ; tâchez de vous en défaire, ou je vous joue le mauvais tour de faire enlever toutes les glaces. » Philippe était embarrassé ; il ne savait comment déguiser une absence qu’il projetait. D’ailleurs il était très vrai qu’il examinait dans les glaces s’il avait l’air vieux.

Le lendemain, il fut reprendre sa position sur le mamelon dont nous avons parlé, et d’où l’on voyait fort bien le lac ; il s’y plaça muni d’une bonne lunette, et ne quitta ce gîte qu’à la nuit close, comme on dit dans le pays.

Le jour suivant, il apporta un livre ; seulement il eût été bien en peine de dire ce qu’il y avait dans les pages qu’il lisait ;