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de ce lac et celle d’Ernestine qu’il venait de voir si belle à l’église se gravèrent profondément dans son cœur. De ce moment, Ernestine eut quelque chose qui la distinguait à ses yeux de toutes les autres femmes, et il ne lui manqua plus que de l’espoir pour l’aimer à la folie. Il la vit s’approcher de l’arbre avec empressement ; il vit sa douleur de n’y pas trouver de bouquet. Ce moment fut si délicieux et si vif, que, quand Ernestine se fut éloignée en courant, Philippe crut s’être trompé en pensant voir de la douleur dans son expression lorsqu’elle n’avait pas trouvé de bouquet dans le creux de l’arbre. Tout le sort de son amour reposait sur cette circonstance. Il se disait : « Elle avait l’air triste en descendant de la barque et même avant de s’approcher de l’arbre. — Mais, répondait le parti de l’espérance, elle n’avait pas l’air triste à l’église ; elle y était, au contraire, brillante de fraîcheur, de beauté, de jeunesse et un peu troublée ; l’esprit le plus vif animait ses yeux. »

Lorsque Philippe Astézan ne put plus voir Ernestine, qui était débarquée sous l’allée des platanes de l’autre côté du lac, il sortit de son réduit un tout autre homme qu’il n’y était entré. En regagnant au galop le château de madame Dayssin, il n’eut que deux idées : « A-t-elle montré de la