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DE L’AMOUR

haut que la foule qui l’entourait, et, par conséquent, cherchaient quelqu’un ; mais ce quelqu’un pouvait fort bien n’être pas Philippe Astézan, qui, aux yeux de cette jeune fille, avait peut-être cinquante ans, soixante ans, qui sait ? À son âge et avec de la fortune, n’a-t-elle pas un prétendu parmi les hobereaux du voisinage ? — « Cependant, je n’ai vu personne pendant la messe. »

Dès que la voiture du comte fut partie, Astézan remonta à cheval, fit un détour dans le bois pour éviter de la rencontrer, et se rendit rapidement à la pelouse. À son inexprimable plaisir, il put arriver au grand chêne avant qu’Ernestine eût vu le bouquet et le petit billet qu’il y avait fait porter le matin ; il enleva ce bouquet, s’enfonça dans le bois, attacha son cheval à un arbre et se promena. Il était fort agité ; l’idée lui vint de se blottir dans la partie la plus touffue d’un petit mamelon boisé, à cent pas du lac. De ce réduit, qui le cachait à tous les yeux, grâce à une clairière dans le bois, il pouvait découvrir le grand chêne et le lac.

Quel ne fut pas son ravissement lorsqu’il vit peu de temps après la petite barque d’Ernestine s’avancer sur ces eaux limpides que la brise du midi agitait mollement ! Ce moment fut décisif ; l’image