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DE L’AMOUR

ennuyeux même à un curé de campagne. « Il faut que je l’amuse, se dit-il à lui-même, je lui ferai la cour d’une manière romanesque ; cela donnera quelques pensées nouvelles à cette pauvre fille. » Le lendemain il alla chasser du côté du château du comte, il remarqua la situation du bois, séparé du château par le petit lac. Il eut l’idée de faire hommage d’un bouquet à Ernestine ; nous savons déjà ce qu’il fit avec des bouquets et de petits billets. Quand il chassait du côté du grand chêne, il allait lui-même les placer, les autres jours il envoyait son domestique. Philippe faisait tout cela par philanthropie, il ne pensait pas même à voir Ernestine ; il eût été trop difficile et trop ennuyeux de se faire présenter chez son oncle. Lorsque Philippe aperçut Ernestine à l’église, sa première pensée fut qu’il était bien âgé pour plaire à une jeune fille de dix-huit ou vingt ans. Il fut touché de la beauté de ses traits et surtout d’une sorte de simplicité noble qui faisait le caractère de sa physionomie. « Il y a de la naïveté dans ce caractère, se dit-il à lui-même ; un instant après elle lui parut charmante. Lorsqu’il la vit laisser tomber son livre d’heures en sortant du banc seigneurial et chercher à le ramasser avec une gaucherie si aimable, il songea à aimer, car il espéra. Il resta dans l’église