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qu’elle recevait chez elle, pour faire la cour au clergé, répéta un mot fort joli. Philippe étonné de voir de l’esprit dans la bouche d’un tel homme, lui demanda qui avait dit ce mot singulier. « C’est la nièce du comte de S***, répondit le curé, une fille qui sera fort riche, mais à qui l’on a donné une bien mauvaise éducation. Il ne s’écoule pas d’année qu’elle ne reçoive de Paris une caisse de livres. Je crains bien qu’elle ne fasse une mauvaise fin et que même elle ne trouve pas à se marier. Qui voudra se charger d’une telle femme ? » etc., etc.

Philippe fit quelques questions, et le curé ne put s’empêcher de déplorer la rare beauté d’Ernestine, qui certainement l’entraînerait à sa perte ; il décrivit avec tant de vérité l’ennui du genre de vie qu’on menait au château du comte, que madame Dayssin s’écria : « Ah ! de grâce, cessez, monsieur le curé, vous allez me faire prendre en horreur vos belles montagnes. — On ne peut cesser d’aimer un pays où l’on fait tant de bien, répliqua le curé, et l’argent que madame a donné pour nous aider à acheter la troisième cloche de notre église lui assure..... » Philippe ne l’écoutait plus, il songeait à Ernestine et à ce qui devait se passer dans le cœur d’une jeune fille reléguée dans un château qui semblait