Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/342

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je n’ai vu que la signature ; je la brûlerai, se dit-elle, en arrivant au château. » Alors elle put s’estimer au moins comme ayant du courage, car le parti de l’amour, quoique vaincu en apparence, n’avait pas manqué d’insinuer modestement que cette lettre expliquait peut-être d’une manière satisfaisante les relations de M. Astézan et de madame Dayssin.

En entrant au salon, Ernestine jeta la lettre au feu. Le lendemain, dès huit heures du matin, elle se remit à travailler à son piano, qu’elle avait fort négligé depuis deux mois. Elle reprit la collection des Mémoires sur l’histoire de France publiés par Petitot, et recommença à faire de longs extraits des Mémoires du sanguinaire Montluc. Elle eut t’adresse de se faire offrir de nouveau par le vieux botaniste un cours d’histoire naturelle. Au bout de quinze jours, ce brave homme, simple comme ses plantes, ne put se taire sur l’application étonnante qu’il remarquait chez son élève ; il en était émerveillé. Quant à elle, tout lui était indifférent ; toutes les idées la ramenaient également au désespoir. Son oncle était fort alarmé : Ernestine maigrissait à vue d’œil. Comme elle eut, par hasard, un petit rhume, le bon vieillard, qui, contre l’ordinaire des gens de son âge, n’avait pas rassemblé sur