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M. Astézan. Toutes ces tristes choses, qui, telles que nous venons de les dire, étaient vraies, paraissaient bien autrement envenimées dans les discours des personnages tristes et grands ennemis des erreurs du bel âge, qui venaient quelquefois en visite à l’antique manoir du grand-oncle d’Ernestine. Jamais, en quelques secondes, un bonheur si pur et si vif, c’était le premier de sa vie, ne fut remplacé par un malheur poignant et sans espoir. « Le cruel ! il a voulu se jouer de moi, se disait Ernestine ; il a voulu se donner un but dans ses parties de chasse, tourner la tête d’une petite fille, peut-être dans l’intention d’en amuser madame Dayssin. Et moi qui songeais à l’épouser ! Quel enfantillage ! quel comble d’humiliation ! » Comme elle avait cette triste pensée, Ernestine tomba évanouie à côté de l’arbre fatal que depuis trois mois elle avait si souvent regardé. Du moins, une demi-heure après, c’est là que la femme de chambre et le vieux botaniste la trouvèrent sans mouvement. Pour surcroît de malheur, quand on l’eût rappelée à la vie, Ernestine aperçut à ses pieds la lettre d’Astézan, ouverte du côté de la signature et de manière qu’on pouvait la lire. Elle se leva prompte comme un éclair, et mit le pied sur la lettre.

Elle expliqua son accident, et put, sans