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plique fort bien la marche que l’orgueil des hommes suit en Angleterre pour recréer tout doucement les mœurs du sérail au milieu d’une nation civilisée. On voit comment quelques-unes de ces jeunes filles d’Angleterre, d’ailleurs si belles et d’une physionomie si touchante, laissent un peu à désirer pour les idées. Malgré la liberté qui vient seulement d’être chassée de leur île et l’originalité admirable du caractère national, elles manquent d’idées intéressantes et d’originalité. Elles n’ont souvent de remarquable que la bizarrerie de leurs délicatesses. C’est tout simple, la pudeur des femmes en Angleterre, c’est l’orgueil de leurs maris. Mais quelque soumise que soit une esclave, sa société est bientôt à charge. De là, pour les hommes, la nécessité de s’enivrer tristement chaque soir[1], au lieu de passer comme en Italie leurs soirées avec leur maîtresse. En Angleterre, les gens riches ennuyés de leur maison et sous prétexte d’un exercice nécessaire font quatre ou cinq lieues tous les jours comme si l’homme était créé et mis au monde pour trotter. Ils usent ainsi le fluide nerveux par les jambes et non par le cœur. Après quoi ils

  1. Cet usage commence à tomber un peu dans la très bonne compagnie qui se francise comme partout ; mais je parle de l’immense généralité.