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DE L’AMOUR

point observé ses mouvements, idée qui, jusqu’à ce jour, ne l’avait jamais abandonnée. Essoufflée et ne pouvant plus courir, elle fut obligée de s’arrêter vers le milieu de la chaussée. À peine eut-elle repris un peu sa respiration, qu’elle se remit à courir avec toute la rapidité dont elle était capable. Enfin, elle se trouva dans sa petite chambre ; elle prit ses bouquets dans son mouchoir et, sans lire ses petits billets, se mit à baiser ces bouquets avec transport, mouvement qui la fit rougir quand elle s’en aperçut. « Ah ! jamais je n’aurai l’air impérieux, se disait-elle je me corrigerai. »

Enfin, quand elle eut assez témoigné toute sa tendresse à ces jolis bouquets, composés des fleurs les plus rares, elle lut les billets. (Un homme eut commencé par là.) Le premier, celui qui était daté du dimanche, à cinq heures, disait : « Je me suis refusé le plaisir de vous voir après le service ; je ne pouvais être seul ; je craignais qu’on ne lût dans mes yeux l’amour dont je brûle pour vous. » — Elle relut trois fois ces mots : l’amour dont je brûle pour vous, puis elle se leva pour aller voir à sa psyché si elle avait l’air impérieux ; elle continua : « l’amour dont je brûle pour vous. Si votre cœur est libre, daignez emporter ce billet, qui pourrait nous compromettre. »