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montée en voiture elle s’arrêta pour distribuer quelques pièces de monnaie à tous les petits garçons du village, elle n’aperçut point, parmi les groupes de paysans qui jasaient auprès de l’église, la personne que, pendant la messe, elle n’avait jamais osé regarder. Ernestine, qui jusqu’alors avait été la sincérité même, prétendit avoir oublié son mouchoir. Un domestique rentra dans l’église et chercha longtemps dans le banc du seigneur ce mouchoir qu’il n’avait garde de trouver. Mais le retard amené par cette petite ruse fut inutile, elle ne revit plus le chasseur. « C’est clair, se dit-elle ; Mlle de C… me dit une fois que je n’étais pas jolie et que j’avais dans le regard quelque chose d’impérieux et de repoussant ; il ne me manquait plus que de la gaucherie ; il me méprise sans doute. »

Les tristes pensées l’agitèrent pendant deux ou trois visites que son oncle fit avant de rentrer au château.

À peine de retour, vers les quatre heures, elle courut sous l’allée de platanes, le long du lac. La grille de la chaussée était fermée à cause du dimanche ; heureusement, elle aperçut un jardinier ; elle l’appela et le pria de mettre la barque à flot et de la conduire de l’autre côté du lac. Elle prit terre à cent pas du grand chêne. La barque côtoyait et se trouvait toujours