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les environs, on va jusqu’à l’avenue du château de Mme Dayssin, à trois lieues de là. Au retour, le comte de S… donne l’ordre d’arrêter dans le petit bois, au delà du lac ; la berline s’avance sur la pelouse, il veut revoir le chêne immense qu’il n’appelle jamais que le contemporain de Charlemagne. « Ce grand empereur peut l’avoir vu, dit-il, en traversant nos montagnes pour aller en Lombardie, vaincre le roi Didier » ; et cette pensée d’une vie si longue semble rajeunir un vieillard presque octogénaire. Ernestine est bien loin de suivre les raisonnements de son oncle ; ses joues sont brûlantes ; elle va donc se trouver encore une fois auprès du vieux chêne ; elle s’est promis de ne pas regarder dans la petite cachette. Par un mouvement instinctif, sans savoir ce qu’elle fait, elle y jette les yeux, elle voit le bouquet, elle pâlit. Il est composé de roses panachées de noir. — « Je suis bien malheureux, il faut que je m’éloigne, pour toujours. Celle que j’aime ne daigne pas apercevoir mon hommage. » — Tels sont les mots tracés sur le petit papier fixé au bouquet. Ernestine les a lus avant d’avoir le temps de se défendre de les voir. Elle est si faible, qu’elle est obligée de s’appuyer contre l’arbre ; et bientôt elle fond en larmes. Le