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un bouquet composé des fleurs les plus rares et les plus jolies ; il est d’une fraîcheur éblouissante ; pas un pétale des fleurs les plus délicates n’est flétri. À peine a-t-elle aperçu tout cela du coin de l’œil, que, sans perdre de vue sa gouvernante, elle a parcouru avec la légèreté d’une gazelle toute cette partie du bois à cent pas à la ronde. Elle n’a vu personne ; bien sûre de n’être pas observée, elle revient au grand chêne, elle ose regarder avec délices le bouquet charmant. Ô ciel ! il y a un petit papier presque imperceptible, il est attaché au nœud du bouquet. « Qu’avez-vous, mon Ernestine ? dit la gouvernante alarmée du petit cri qui accompagne cette découverte. — Rien, bonne amie, c’est une perdrix qui s’est levée à mes pieds. » — Il y a quinze jours, Ernestine n’aurait pas eu l’idée de mentir. Elle se rapproche de plus en plus du bouquet charmant ; elle penche la tête, et, les joues rouges comme le feu, sans oser y toucher, elle lit sur le petit morceau de papier :

« Voici un mois que tous les matins j’apporte un bouquet, celui-ci sera-t-il assez heureux pour être aperçu ? »

Tout est ravissant dans ce joli billet ; l’écriture anglaise qui traça ces mots est de la forme la plus élégante. Depuis quatre ans qu’elle a quitté Paris et le couvent le