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DE L’AMOUR

seur qu’elle aperçoit à l’improviste, dans le bois, près du château.

Ce fut par un événement aussi simple que commencèrent les malheurs d’Ernestine de S… Le château qu’elle habitait seule, avec son vieux oncle, le comte de S…, bâti dans le moyen âge, près des bords du Drac, sur une des roches immenses qui resserrent le cours de ce torrent, dominait un des plus beaux sites du Dauphiné. Ernestine trouva que le jeune chasseur offert par le hasard à sa vue avait l’air noble. Son image se présenta plusieurs fois à sa pensée ; car à quoi songer dans cet antique manoir ? — Elle y vivait au sein d’une sorte de magnificence elle y commandait à un nombreux domestique ; mais depuis vingt ans que le maître et les gens étaient vieux, tout s’y faisait toujours à la même heure ; jamais la conversation ne commençait que pour blâmer tout ce qui se fait et s’attrister des choses les plus simples. Un soir de printemps, le jour allait finir, Ernestine était à sa fenêtre ; elle regardait le petit lac et le bois qui est au delà ; l’extrême beauté de ce paysage contribuait peut-être à la plonger dans une sombre rêverie. Tout à coup elle revit ce jeune chasseur qu’elle avait aperçu quelques jours auparavant ; il était encore dans le petit bois au delà du lac ; il tenait