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hommes qui l’approchent, et dont toujours le bonheur, du moins pendant la soirée, dépend d’un de ses caprices : j’entends le bonheur des simples amis. Si vous déplaisez à la femme qui règne dans une loge, vous voyez l’ennui dans ses yeux, et n’avez rien de mieux à faire que de disparaître pour ce jour-là.

Un jour, je me promenais avec madame Gherardi sur la route de la Cascata del Reno ; nous rencontrâmes Oldofredi seul, fort animé, l’air très préoccupé, mais point sombre. Madame Gherardi l’appela et lui parla, afin de mieux l’observer. « Si je ne me trompe, dis-je à madame Gherardi, ce pauvre Oldofredi est tout à fait livré à la passion qu’il prend pour la Florenza ; dites-moi, de grâce, à moi qui suis votre séide, à quel point de la maladie d’amour le croyez-vous arrivé maintenant ? — Je le vois, dit madame Gherardi, se promenant seul, et qui se dit à chaque instant : « Oui, elle m’aime. » Ensuite il s’occupe à lui trouver de nouveaux charmes, à se détailler de nouvelles raisons de l’aimer à la folie. — Je ne le crois pas si heureux que vous le supposez. Oldofredi doit avoir souvent des doutes cruels ; il ne peut pas être si sûr d’être aimé de la Florenza ; il ne sait pas comme nous à quel point elle considère peu, dans ces sortes d’affaires, la richesse, le rang, la