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et Rome l’amour parfait. — Quand nous sommes à Bologne, reprit madame Gherardi, nous sommes tout à fait indifférents, nous ne songeons pas à admirer d’une manière particulière la femme dont un jour peut-être nous serons amoureux à la folie ; notre imagination songe bien moins encore à nous exagérer son mérite. En un mot, comme nous disions à Hallein, la cristallisation n’a pas encore commencé. »

À ces mots, Annibal se leva furieux, et sortit de la loge en nous disant : « Je reviendrai quand vous parlerez italien. » Aussitôt la conversation se fit en français, et tout le monde se prit à rire, même madame Gherardi. « Eh bien ! voilà l’amour parti, dit-elle, et l’on rit encore. On sort de Bologne, on monte l’Apennin, l’on prend la route de Rome… — Mais, madame, dit quelqu’un, nous voilà bien loin du peintre Oldofredi, » ce qui lui donna un petit mouvement d’impatience qui, probablement, fit tout à fait oublier Annibal et sa brusque sortie. — « Voulez-vous savoir, nous dit-elle, ce qui se passe quand on quitte Bologne ? D’abord je crois ce départ complètement involontaire : c’est un mouvement instinctif. Je ne dis pas qu’il ne soit accompagné de beaucoup de plaisir. L’on admire, puis on se dit : « Quel plaisir d’être aimé de cette femme charmante ! Enfin paraît