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confidences involontaires m’amusaient beaucoup plus que tous les détails de l’exploitation du sel, apprit de moi que madame Gherardi s’appelait Ghita, et que l’usage, en Italie, était de l’appeler devant elle la Ghita. Le pauvre garçon, tout tremblant, hasarda de l’appeler, en lui parlant, la Ghita, et madame Gherardi, amusée de l’air timidement passionné du jeune homme et de la mine profondément irritée d’une autre personne, invita l’officier à déjeuner pour le lendemain, avant notre départ pour l’Italie. Dès qu’il se fut éloigné : — « Ah çà ! expliquez-moi, ma chère amie, dit le personnage irrité, pourquoi vous nous donnez la compagnie de ce blondin fade et aux yeux hébétés ?

— Parce que, Monsieur, après dix jours de voyage, passant toute la journée avec moi, vous me voyez tous telle que je suis, et ces yeux fort tendres et que vous appelez hébétés me voient parfaite. N’est-ce pas, Filippo, ajouta-t-elle en me regardant, ces yeux-là me couvrent d’une cristallisation brillante ; je suis pour eux la perfection et, ce qu’il y a d’admirable, c’est que quoi que je fasse, quelque sottise qu’il m’arrive de dire, aux yeux de ce bel Allemand, je ne sortirai jamais de la perfection : cela est commode. Par exemple, vous, Annibalino (l’amant que nous trouvions un