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DE L’AMOUR

bien, que par l’œil de ce jeune homme qui commence à aimer.

— C’est, repris-je, ce qui fait que les propos des amants semblent si ridicules aux gens sages, qui ignorent le phénomène de la cristallisation.

— Ah ! vous appelez cela cristallisation, dit Ghita ; eh bien, monsieur, cristallisez pour moi. »

Cette image, singulière peut-être, frappa l’imagination de madame Gherardi, et quand nous fûmes arrivés dans la grande salle de la mine, illuminée par cent petites lampes qui paraissaient être dix mille, à cause des cristaux de sel qui les reflétaient de tous côtés : « Ah ! ceci est fort joli, dit-elle au jeune Bavarois, je cristallise pour cette salle, je sens que je m’exagère sa beauté et vous, cristallisez-vous ?

— Oui, madame, » répondit naïvement le jeune officier, ravi d’avoir un sentiment commun avec cette belle Italienne ; mais pour cela n’en comprenant pas davantage ce qu’elle lui disait. Cette réponse simple nous fit rire aux larmes, parce qu’elle décida la jalousie du sot que Ghita aimait et qui commenca à devenir sérieusement jaloux de l’officier Bavarois. Il prit le mot cristallisation en horreur.

Au sortir de la mine d’Hallein, mon nouvel ami, le jeune officier, dont les