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DE L’AMOUR

singulier et plus brillant, demanda à Mme Gherardi de changer avec lui. Elle y consentit ; en recevant ce rameau il le pressa sur son cœur avec un mouvement si comique, que tous les Italiens se mirent à rire. Dans son trouble, l’officier adressa à madame Gherardi les compliments les plus exagérés et les plus sincères. Comme je l’avais pris sous ma protection, je cherchais à justifier la folie de ses louanges. Je disais à Ghita : « L’effet que produit sur ce jeune homme la noblesse de vos traits italiens, de ces yeux tels qu’il n’en a jamais vus, est précisément semblable à celui que la cristallisation a opéré sur la petite branche de charmille que vous tenez et qui vous semble si jolie. Dépouillée de ses feuilles par l’hiver, assurément elle n’était rien moins qu’éblouissante. La cristallisation du sel a recouvert les branches noirâtres de ce rameau avec des diamants si brillants et en si grand nombre, que l’on ne peut plus voir qu’à un petit nombre de places ses branches telles qu’elles sont.

— Eh bien ! que voulez-vous conclure de là ? dit madame Gherardi.

— Que ce rameau représente fidèlement la Ghita, telle que l’imagination de ce jeune officier la voit.

— C’est-à-dire, monsieur, que vous apercevez autant de différence entre ce que je