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que je remarquai que souvent il parlait sans savoir à qui, ni ce qu’il disait. J’avertis Mme Gherardi, qui, sans moi, perdait ce spectacle, auquel une jeune femme n’est peut-être jamais insensible. Ce qui me frappait, c’était la nuance de folie qui, sans cesse, augmentait dans les réflexions de l’officier ; sans cesse il trouvait à cette femme des perfections plus invisibles à mes yeux. À chaque moment, ce qu’il disait peignait d’une manière moins ressemblante la femme qu’il commençait à aimer. Je me disais « La Ghita n’est assurément que l’occasion de tous les ravissements de ce pauvre Allemand. » Par exemple, il se mit à vanter la main de madame Gherardi, qu’elle avait eue frappée, d’une manière fort étrange, par la petite vérole, étant enfant, et qui en était restée très marquée et assez brune.

« Comment expliquer ce que je vois ? me disais-je. Où trouver une comparaison pour rendre ma pensée plus claire ? »

À ce moment, madame Gherardi jouait avec le joli rameau couvert de diamants mobiles, que les mineurs venaient de lui donner. Il faisait un beau soleil : c’était le 3 août, et les petits prismes salins jetaient autant d’éclat que les plus beaux diamants dans une salle de bal fort éclairée. L’officier bavarois, à qui était échu un rameau plus