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DE L’AMOUR

Pendant les préparatifs, qui furent longs, car, avant de nous engouffrer dans cette cavité fort profonde, il fallut chercher à dîner, je m’amusai à observer ce qui se passait dans la tête d’un joli officier bien blond des chevau-légers bavarois. Nous venions de faire connaissance avec cet aimable jeune homme, qui parlait français, et nous était fort utile pour nous faire entendre des paysans allemands de Hallein. Ce jeune officier, quoique très joli, n’était point fat, et, au contraire, paraissait homme d’esprit ; ce fut madame Gherardi qui fit cette découverte. Je voyais l’officier devenir amoureux à vue d’œil de la charmante Italienne, qui était folle de plaisir de descendre dans une mine et de l’idée que bientôt nous nous trouverions à cinq cents pieds sous terre. Madame Gherardi, uniquement occupée de la beauté des puits, des grandes galeries, et de la difficulté vaincue, était à mille lieues de songer à plaire, et encore plus de songer à être charmée par qui que ce soit. Bientôt je fus étonné des étranges confidences que me fit, sans s’en douter, l’officier bavarois. Il était tellement occupé de la figure céleste, animée par un esprit d’ange, qui se trouvait à la même table que lui, dans une petite auberge de montagne, à peine éclairée par des fenêtres garnies de vitres vertes,