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de tout grand intérêt avoué, il est bien plus commode de se réfugier dans l’ironie. Plusieurs jeunes gens ont pris un autre parti, c’est de se faire de l’école de J.-J. Rousseau et de Mme de Staël. Puisque l’ironie est devenue une manière vulgaire, il a bien fallu avoir du sentiment. Un de Pezai, de nos jours, écrirait comme M. Darlincourt ; d’ailleurs, depuis 1789, les événements combattent en faveur de l’utile ou de la sensation individuelle contre l’honneur ou l’empire de l’opinion ; le spectacle des chambres apprend à tout discuter, même la plaisanterie. La nation devient sérieuse, la galanterie perd du terrain.

Je dois dire comme Français, que ce n’est pas un petit nombre de fortunes colossales qui fait la richesse d’un pays, mais la multiplicité des fortunes médiocres. Par tous pays les passions sont rares, et la galanterie a plus de grâces et de finesse et par conséquent plus de bonheur en France. Cette grande nation, la première de l’univers[1], se trouve pour l’amour ce qu’elle est pour les talents de l’esprit. En 1822 nous n’avons assurément ni Moore, ni Walter Scott, ni Crabbe, ni

  1. Je n’en veux pour preuve que l’envie. Voir l’Edinburgh-Review de 1821, voir les journaux littéraires allemands et italiens, et le Scimiotigre d’Alfieri.