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l’âme aime mieux éprouver que ne pas éprouver[1].

J’appelle peine toute perception que l’âme aime mieux ne pas éprouver qu’éprouver.

Désiré-je m’endormir plutôt que de sentir ce que j’éprouve, nul doute, c’est une peine. Donc les désirs de l’amour ne sont pas des peines, car l’amant quitte, pour rêver à son aise, les sociétés les plus agréables.

Par la durée, les plaisirs du corps sont diminués et les peines augmentées.

Pour les plaisirs de l’âme, ils sont augmentés ou diminués par la durée, suivant les passions ; par exemple, après six mois passés à étudier l’astronomie, l’on aime davantage l’astronomie ; après un an d’avarice on aime mieux l’argent.

Les peines de l’âme sont diminuées par la durée ; « que de veuves véritablement fâchées se consolent par le temps ! » Milady Waldegrave d’Horace Walpole.

Soit un homme dans un état d’indifférence, il lui arrive un plaisir.

Soit un autre homme dans un état de vive douleur, cette douleur cesse subitement. Le plaisir qu’il ressent est-il de même nature que celui du premier homme ?

  1. Maupertuis.