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ner à son ennemi le commandement d’une armée navale, qui part pour une expédition lointaine et dangereuse, où probablement Lothario trouvera la mort. Dans la tragédie de Colardeau, il vient donner cette nouvelle à sa fille. À ces mots la passion de Caliste s’échappe :

« Ô dieux !
» Il part !… vous l’ordonnez !… il a pu s’y résoudre ?

» Jugez du danger de cette situation ; un mot de plus et Sciolto va être éclairé sur la passion de sa fille pour Lothario. Ce père confondu s’écrie :

» Qu’entends-je ? me trompé-je ? où s’égarent tes vœux ?

» À cela Caliste, revenue à elle-même, répond :

« Ce n’est pas son exil, c’est sa mort que je veux ;
» Qu’il périsse !

» Par ces mots, Caliste étouffe les soupçons naissants de son père, et c’est cependant sans artifice, car le sentiment qu’elle exprime est vrai. L’existence d’un homme qu’elle aime et qui a pu l’outrager doit empoisonner sa vie, fût-il au bout du monde ; sa mort seule pourrait lui rendre le repos, s’il en était pour les amants infortunés… Bientôt après Lothario est tué, et Caliste a le bonheur de mourir.